Journée mondiale du rein
jeudi 10 mars 2016
Académie nationale de Médecine
Prendre soin de ses reins pour sa santé de demain !
Le colloque JMR 2016 consacré, le matin, à la prévention, aux causes environnementales et au diagnostic des maladies rénales : « Agir tôt pour prévenir : de la recherche au patient », et l’après-midi au thème : « Grandir avec une maladie rénale »[1], nous invite à suivre le patient IRC dès sa conception, en soins pédiatriques, puis lors du passage délicat de l’enfant à l’adulte. Il nous signifie ce qu’est vivre au quotidien, tout au long d’une vie, dans le milieu familial, socioprofessionnel, avec une maladie génétique, chronique.
Dans son accueil, le Pr Raymond ARDAILLOU, secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie nationale de médecine, esquisse l’historique de la néphrologie, née avec le Traité des maladies de reins, de Pierre Rayer, paru en 1841 – le terme n’existe pas encore – et développée sous le Second Empire. Fernand Vidal réalisa le premier dosage du chlore. Joseph Castaigne, Charles Achard mirent au point des techniques d’exploration fonctionnelle des reins (test au bleu de méthylène). Au XXe siècle, le Pr Louis Pasteur Vallery-Radot, élève de Vidal, puis son élève Jean Hamburger, Gabriel Richet, Jean Grenier ont créé la néphrologie française. Plusieurs néphrologues ont été académiciens; trois actuellement.
Le Pr Renato MONTERO, Itmo-Aviesan, rappelle l’importance du métabolisme autour duquel la physiopathologie, les médecines de la nutrition (endocrinologie, gastroentérologie, etc.) ont créé une alliance médicale.
Ce sont 365 équipes groupant 14.955 chercheurs dans 1130 CHU, 4 Centres de recherche. La néphrologie occupe 5 % des équipes. L’INSERM est partie prenante avec le CNRS, le CEA, l’INRA, l’Institut Pasteur, et autres instituts et laboratoires dans toute la France.
On y forme des équipes jeunes. Y lance des investissements d’avenir : ex. cohorte CKD-Rein (4 millions d’€). Le Pr Rossignol, représente l’INI-CRTC, pour les maladies rénales chroniques. Cette alliance, qui publie 15 % des publications médicales occupe une très bonne représentation française au niveau mondial.
« Agir tôt pour prévenir : de la recherche au patient »
Le Pr. Jérôme HARAMBAT, pédonéphrologue, Bordeaux : épidémiologie des maladies rénales chez l’enfant. Après 2 ans, la classification des MRC est la même que chez l’adulte.
– Causes :
— anomalies congénitales du rein ou de l’appareil urinaire (55 %)
— néphropathie glomérulaire ou valvulaire, SHU, mal de Berger (17 %)
— néphropathie héréditaire (signes, petite taille…) 28 %.
65 % des MRC chez l’enfant sont congénitales
80 % ont des causes non congénitales chez l’adulte
Il n’y a pas de dépistage néonatal. Beaucoup de maladies infectieuses touchent le rein (VIH, paludisme, etc.) dans le tiers-monde. Ces néphropathies sont cause de l’IRT chez l’adulte, conduisant à la dialyse et / ou à la greffe (après l’âge de vingt ans).
La cause glomérulaire entraîne une détérioration plus rapide.
– incidence : 8 à 18 par million d’enfants en Europe.
En France, les MRC graves touchent 200 enfants / an. Le registre des enfants sur liste nationale d’attente de greffe est de 8 % ; il y a priorité du greffon pédiatrique.
En France, Europe, Etats-Unis : 6 à 8 par million d’enfants sont en IRT
160 adultes par million
Ces chiffres, en augmentation jusqu’en 1994, se sont ensuite stabilisés.
– prévalence : Fin 2015, les enfants sont pris en charge et traités de plus en plus jeunes par dialyse ou greffe (multiplication par 3 en Europe). Ils vivent plus longtemps et connaissent une meilleure qualité de vie.
France : 850 enfants traités sont dialysés / greffés. + 80 % des enfants IRT greffés.
77.000 à 78.000 adultes. 45 % des adultes en IRT greffés.
Soit 1 / 10.000 enfant présente une MRC, mais beaucoup ne sont pas diagnostiqués. 1 % des enfants serait à risque de développer une néphropathie à l’âge adulte (10, 4 % de la population adulte, dont 2 % chez les jeunes adultes).
Il existe très peu d’études sur les populations. Les disparités sont majeures dans le monde, avec des inégalités d’accès aux soins.
– 2,6 millions de patients en 2010 étaient en traitement de suppléance dans le monde. Or 4,7 à 9,7 millions auraient dû l’être !
– environ 20.000 enfants (0-19 ans) bénéficient d’un traitement de suppléance dans le monde pour 250.000 enfants atteints. Aujourd’hui 9 enfants IRT sur 10 meurent pour des causes économiques. L’accès aux soins baisse avec le PNB.
* Finlande : 50 à 55 % des enfants par million d’habitants sont touchés par le syndrome néphrotique congénital.
* USA : Les enfants blancs bénéficient de plus de greffes à donneurs vivants.
* France : 20 % de greffes par donneur familial vivant.
* Scandinavie : 80 % des greffes par donneur vivant (un centre unique de transplantation par pays)
* Pays en voie de développement (PED) : la néphrologie n’est pas une priorité.
* Congo : 40 millions d’enfants. Le pays compte 2 néphrologues (1000 aux USA). La pédiatrie est inexistante.
* Maghreb : 12 % de consanguinité
* Nigéria : 53 enfants ont pu démarrer une dialyse ; il y eut 50 % de décès au bout de 2 mois. Au bout de 6 mois, tous étaient décédés.
Ces traitements marchent lorsqu’il y a un vrai programme, des équipes : comme au Soudan, en Afrique du Sud (greffes à donneurs vivants).
* Pakistan : 477 greffes à Karachi (1 / un million) grâce à la volonté et l’énergie d’un praticien.
* Egypte : important programme de greffe à donneur vivant = 100 % des greffes.
Disparités selon le sexe : même en Europe, les filles ont moins accès à la liste des greffes.
Disparités selon l’âge : l’adolescence est la période la moins bonne pour la greffe, et un peu moins bonne pour les filles.
Maladie rénale aigue :
– IRT adultes 343 / million (24 % de décès)
– IRA adultes 295 / million (> 28 % de décès)
On dénombre 13 millions d’IRA chaque année dans le monde : 1,7 million de décès dont 1,4 million dans les PED (en Afrique ces IRA liées au paludisme, à la dénutrition, à la déshydratation pourrait être évitables).
77 millions de personnes ont connu une IRA dans le monde : les enfants tiennent une part importante.
Il y a amélioration constante des connaissances, et celles-ci révèlent les inégalités.
Informer, prévenir, dépister dans les PED.
Les médecins restent réticents pour ne pas affoler les parents. Allons-nous vers une meilleure stratégie pour le dépistage ? Doit-il être systématique ? Selon le Pr SALOMON les enfants à risque sont clairement différents des autres (petit poids de naissance, petite taille, signes repérables).
La prise en charge des enfants IRT est-elle suffisante en France ? Il y a des progrès, mais ce pourrait être mieux. Il faut une priorité d’accès aux soins pédiatriques pour des enfants subissant une 2e, 3e greffes, et améliorer le quotidien de ces enfants et jeunes en nous plaçant dans une trajectoire de suivi tout au long de la vie. Il ne faut pas arrêter les soins par l’équipe soignante à 18 ans + 1 jour ! Des progrès à faire dans la coordination du suivi enfant / adulte.
*
Le Dr Olivia BOYER : le Syndrome néphrotique, diagnostic moléculaire de la naissance à l’âge adulte. [2]
Le SN vient d’un désordre du système immunitaire cortico-résistant (facteur de perméabilité glomérulaire).
– Symptôme : Protéinurie + hypoalbuminerie
– Formes :
– SN génétique infantile (anténatal / 3 mois) : gros reins hyperéchogènes, gros placenta, oedèmes. Chute de la fonction rénale.
– SN cortico-résistant (début de l’enfance). Evolution variable vers IRT (50 % avant 10 ans)
– Protéinurie glomérulaire : début plus tardif
– SN de type finlandais : 1/8000 naissances en Finlande. 1 / 47.000 dans le monde. Mutation du gène NPH S1 (néphrine = cause principale), gène impliqué dans 50 à 90 % des cas.
– NPH S2 (podocine) est le principal gène en cause (parmi 110 mutations) : retenue de la podocine dans le réticulum endoplasmique. (début à 4 ans, IRT à 10 ans), 42 % des cas sont familiaux. Le laboratoire du Dr Corinne ANTIGNAC à Necker (Centre Imagine) cherche un médicament pour diminuer et éviter cette maladie.
– SN congénitaux. 15 à 40 % se déclarent dès 6 ans.
– INF 2 = gène moyen de la protéinurie glomérulaire, mutation de 5 ans à 72 ans ; IRT varie entre 13 ans et 70 ans.
Des mutations de gènes différents peuvent donner diverses formes cliniques à ces maladies. La mutation d’un même gène peut donner une forme plus ou moins sévère à la MRC.
* Ex : mutation par variant p.R229Q
Le polymorphisme est très fréquent dans la population générale. Or il y a 3 fois plus de formes précoces du SN.CR : porteurs sans être malades.
N’entraînent une néphropathie que les mutations des derniers exons (7 et 8) du gène :
→ p.R229Q + mutation + derniers exons (7- 8) (interaction des protéines podocine R229Q + podocine mutant)
La maladie, sévère à l’âge pédiatrique, touche des sujets très jeunes.
Plus tardive, elle débute à l’âge adulte sous forme modérée : p.R229Q + exons 1-6 mutés.
La transmission du SN.CR liée à p.R229Q remet en question les lois de transmission mendéliennes.
On constate une large hétérogénéité génétique dans les SN : une trentaine de gènes sont impliqués. Le diagnostic de l’ensemble des gènes s’effectue aujourd’hui en une semaine. Une mutation identifiée n’est pas forcément responsable de la pathologie.
Ces patients peuvent répondre à une intensification thérapeutique : la réaction immunitaire en cas de greffe est immédiate (risque de rejet du greffon) et le risque de récidive important sur le greffon intra-familial. Mais il y a eu des réussites (Necker) avec greffon de donneur décédé.
Il existe un nombre de cas possibles de réadressage de la membrane (podocine).
*
Le Pr. Rémi SALOMON (Necker-Enfants malades) expose Le devenir des petits poids de naissance (PN).
Il s’agit d’une épidémiologie essentielle sur le retard de croissance intra-utérin qui s’inscrit dans la durée.
– études : * Grande-Bretagne sur 1231 personnes âgées de 59 à 71 ans :
PN < 3180 g : TA systolique > de 4 à 8 mmHg
PN > 3860 g : lien avec le diabète. PN < 2500 g.
* Aborigènes : retard de croissance utérin = HTA, diabète type 2, insuffisance rénale (IRT : 2700 cas / million)
* Caroline du Sud (afroaméricains) : 345 cas / million (268 pour les USA)
corrélation sexe x couleur de peau x âge.
PN + microalbuminerie = signe d’usure des néphrons. A 19 ans, 4 % des PN sont concernés.
IRT et poids de naissance sont nettement corrélés dans les études.
PN connaissent une IRC pécoce : capital néphronique faible (- 1 million) + HTA élevée.
Les événements néphrotiques se cumulent au cours de la vie : PN, diabète, HTA, stress, réduction néphronique, diminution de la filtration des néphrons, hypertrophie du rein, usure → IR.
Une HTA pédiatrique est liée à un problème vasculaire rénal (valvules).
– Phénotype vasculaire : l’infographie de la carotide permet de mesurer l’épaisseur de l’intima-media et de repérer le facteur de risque du syndrome métabolique :
obésité, HTA, résistance à l’insuline, dyslipidine → pathologies cardio-vasculaires
Les déterminants génétiques et les événements environnementaux sont des facteurs déjà présents à la grossesse, avant la naissance, puis pendant l’enfance et l’âge adulte.
Certains gènes (à « programmation génétique ») peuvent influencer l’expression des PN. Barker a décrit une programmation fœtale en 1980 : facteurs génétiques + facteurs diététiques (insuffisance placentaire ; pré-éclampsie – malnutrition (ration protéique, fer, vitamine A) – tabac, alcool, drogue – milieu socio-économique – âge (< 18 ans) – multiparité – prématurité PED).
Les PN sont, à terme, une population à risque. Surtout ceux liés à la prématurité (risques respiratoires, neurologiques, infectieux, IR aigue, bas débit sanguin) → nécessité d’un suivi à long terme : depuis le néonatalogue (réticent) au pédiatre, aux médecins d’adultes et aux spécialistes (néphrologue, cardiologue, diabétologue).
Il s’agit d’informer d’un sur-risque (AVC à 45 ans, etc.) sans créer une anxiété (pathogène aussi). Informer, rassurer, prévenir : ex. une microalbuminerie exige une diététique, pas d’alcool ni tabac.
Evaluer le risque (histoire néo-natale).
Les plus à risques sont les PN qui deviennent vite des enfants obèses, en surpoids.
Des précautions sont à prendre pour la vie avec un PN inférieur ou égal à 2 kg / 2,5 kg.
Informer les familles : conseils diététiques aux mères – Inscription du besoin de suivi sur le carnet de santé qui doit suivre le sujet concerné.
*
Pr Claudine JUNIEN, biologie du développement, Saclay : l’origine épigénétique et environnementale des maladies (DOHaD). En 2012 est née la société francophone DOHaD pour développer les notions d’épigénétique et d’environnement et de leur influence sur notre santé.
Les maladies chroniques explosent dans le monde : l’OMS leur impute 35 millions de décès, soit 60 % des décès totaux – en augmentation de 17 %.
Il s’agit désormais d’inverser cette tendance : traitement 95 % – prévention 5 % par la mise en place de deux révolutions nécessaires, qui sont l’affaire de chacun :
– connaître l’origine et le développement de la santé – et de ce qui l’affecte.
– par l’épigénétique et l’environnement
Le génome hérité dans l’ADN est neutre et stable. Il va subir tout au cours de la vie les influences positives et négatives de l’épigénétique et de l’environnement. L’héritabilité n’est ni génétique ni culturelle dans certaines maladies génétiques. C’est un conditionnement (différent de la programmation) pendant la grossesse qui crée un capital santé, un capital humain.
Capital santé à la naissance = réponse à l’environnement → apparition de la maladie
Capital santé dans les 2 premières années + style de vie propre plus ou moins tôt
→ déjà trop tard pour intervenir
L’épigénétique propose d’intervenir en amont, avec un suivi d’âge en âge. Il faut prévenir et agir dans les mille jours : les mois de gestation + 2 ans. On peut agir là sur le capital santé : en diminuant la charge allostatique on diminue les facteurs de risque.
→ surveiller les petits poids de naissance (suivi jusqu’à 6 ans) – PN des premières années puis surpoids (= risque accru) – suivre la trajectoire de croissance pendant l’enfance (rôle des divers facteurs dans l’apparition des maladies)
Quelle est l’ampleur du phénomène ? Quels sont les effets délétères de l’environnement ?
L’épigénétique = expression des gènes qui intervient dans de nombreuses actions (réparation, réplication, inactivation, empreinte parentale, vieillissement, dysmorphisme sexuel, etc.).
L’ADN étant stable, inerte, rien n’agit sur lui. C’est par la chromatine que se fait l’expression des gènes, susceptibles dès lors de muter. Par son intervention, l’environnement modifie l’épigénome (constat sur les jumeaux : deux jumelles monozygotes ont un risque de 20 % de faire un cancer du sein toutes deux. Le différentiel est très important entre des jumeaux bébés et adultes : ce qui démontre le rôle joué par l’environnement sur les marques et la « machinerie » (modification de la chromatine)
– chromatine ouverte = permissive ← les marqueurs épigénétiques sont les enzymes.
– chromatine fermée = répressive
L’environnement interne et extérieur impactent les marques épigénétiques sans frontière : ce sont la température, la nutrition, les toxines, les facteurs affectifs et socio-économiques (très importants), les rythmes circadiens, la bactériologie, le dysmorphisme sexuel, les polluants, les fluides. Les « fenêtres » ont une plus grande sensibilité ou vulnérabilité selon les périodes. Cet impact agit sur les récepteurs des membranes cellulaires à l’intérieur de tous les fluides circulants jusqu’à toucher la chromatine.
La mémoire est dynamique tout au cours de la vie. Les mécanismes épigénétiques sont réversibles par nature. Mais on ne peut revenir en arrière lors de modifications cellulaires dans une expression altérée des gènes. Il y a alors adaptation des tissus en développement.
Héritabilité ? Transmission ?
On constate les effets d’une transmission transgénérationnelle. Il y a influence mère / fœtus (ex. dans le diabète générationnel il y a risque pour l’enfant). Avec le père, cela passe par ses gamètes.
Il est à noter qu’il y a effacement des altérations héritées par les gamètes lors de la fécondation (blastocytes). Mais parfois quelques éléments ne sont pas effacés et peuvent se transmettre jusqu’à la 2e, 3e générations ou plus.
ex. de résilience programmée : dans le cas d’un père cocaïnomane : seuls les fils résistent à cette addiction ; les filles sont elles addictes (dysmorphisme sexuel).
Une sous-nutrition in utero occasionnera une perturbation intergénérationnelle. Nous constatons la maintenance de l’effet sans connaître le mécanisme de relais.
L’exposition à un environnement très pollué dans certaines régions réinitie les mêmes marques épigénétiques. Mais d’autres facteurs interviennent (sperme et aussi liquide séminal (protéines)), la protéine prion agit sur les protéines, différemment selon le sexe, selon les générations.
Ces observations mettent fin aux certitudes. Une maladie génétique n’est pas toujours héritable. Tout se joue lors de la division mitotique et non pas à la fécondation. La dynamique joue en faveur de l’évolution du vivant contre des marqueurs épigénétiques.
Il y a réversibilité, mais un mauvais développement bloque le retour en arrière.
Un changement de paradigme s’impose pour prendre en compte les problèmes sociétaux dans la santé. Le risque peut être amené par le père, par la marque de ses gamètes (tabac, addictions, anxiété, toxique, violence, discriminations). Il faut cesser de viser les femmes, la responsabilité des mères. Hommes et femmes sont impliqués au même titre dans la transmission, et il faut voir au-delà des individus.
La lutte contre les pollutions, pour la qualité de vie, les changements sociétaux font partie du programme de santé. Des améliorations sont possibles. Il faut lister les toxiques de l’environnement. Lutter contre les causes de stress.
La part du diagnostic et de la prédictibilité génétiques dans l’évolution de la maladie est de 25 % (prédisposition à des pathologies monogéniques). La part de l’épigénétique est de 75 %. L’impact de chaque variants est extrêmement faible ; les causes sont multifactorielles et leurs mécanismes se multiplient. La combinatoire des marques épigénétiques est d’une grande complexité et donne lieu à des interprétations différentes. Ce n’est pas une médecine prédictive que nous devons mettre en place mais ce sont les facteurs épigénétiques qui sont à surveiller.
*
Grandir avec une maladie rénale
Pr Stéphane DECRAMER, consultation anténatale, Toulouse : Malformation de l’appareil urinaire : consultation anténatale. Séverine COLINET, Chercheur en sciences sociales[3], CHU Timone : annonce du diagnostic.
CAKUT = anomalie des reins et des voies urinaires dépistée ante-natal qui entraîne une IRC avant 20 ans (5% sont en IRC à l’adolescence).
PN, prématurité, réduction néphronique, masse et volume des reins inférieurs, gènes polymorphes (PAX², RET 78, 82) – grossesse hyperglycémique – créatinine
Délai de mise sous dialyse / greffe : sur 212.000 IRT, âge moyen = 61, 4 ans.
CAKUT = 35,1 ans
CAKUT + calculs rénaux = 22, 1 ans
a – Dépistage anténatal : échographie (mégavessie – VUP valve de l’urètre postérieur → dysfonction vésicale – reins hyperéchogènes (+ brillants que le foie) = facteur aggravant – kystes – reins multikystiques – rein non fonctionnel – rein hypoplasique – reins hypo-échogènes en fer à cheval)
b – Diagnostic (spectrométrie de masse) :
KALUT (anomalies basses, vésicales, sous-vésicales, VUP)
CAKUT : atteinte parenchymateuse prédominante)
c – Thérapie ? Intervention ?
Génétique : 200 CAKUT syndromiques impliquent 25 gènes autodominants. La mutation de 2 gènes dominants connus dans 5 génomes différents entraîne la même anomalie génétique (VUP). Et des anomalies rénales du développement impliquent un même gène HNF-1B dans 7 atteintes néphrologiques différentes. Une infection par le cytomégalovirus entraînera de lourdes séquelles (pertes auditive ou sensorielle post-natales) ou rien. → incertitude.
Comment donc prédire la fonction rénale fœtale, post-natale ? Proposera-t-on un jour une intervention in-utéro ?
Prédiction de la fonction rénale: IVG ou pas ?
– 50 % de ces enfants nés ont une fonction rénale normale.
– 50 % IRC → IRT. Intervention précoce sur les valves (LASER)
d – Annonce / Accompagnement.
– Dresser un état des lieux des pratiques d’annonces diagnostiques.
– Susciter une réflexion collective auprès des médecins.
– Croiser le regard des médecins / patients
C’est l’objectif d’une recherche qualitative menée dans onze CHU et services spécialisés.
Les entretiens ont eu lieu avec 30 médecins, sur neuf thèmes : émotionnels – contenu fondamental de l’annonce – posture durant l’annonce – temporalité – difficultés à communiquer – incertitude – échanges sur la pratique d’annonce – représentations personnelles, culturelles – évolution de cette pratique d’annonce médicale.
avec 32 parents : tous évoquent la temporalité (durant la consultation) – progressivité de l’annonce (= temps d’adaptation) – cheminement inachevé.
Sens de l’annonce. Représentation de la maladie rénale. Deuils (une femme a renoncé à sa carrière professionnelle). Incertitude médicale (16 couples)
Dispositifs : éducation thérapeutique (sur proposition du pédiatre), rencontres entre familles (relais). Il s’agit de préparer les parents à leur tâche à l’égard d’un enfant IRC : nouveau rôle parental, mobilisation de l’expérience des familles. Le corps médical et les échanges jouent un rôle important. La diffusion du message personnalisé est complexifiée par l’incertitude du diagnostic, par les non-dits, l’indicible.
On observe 3 postures chez les médecins : apaiser / accompagner (4 / 5 ont une approche bienveillante) – objectiver (transmission d’éléments factuels) – formuler pour les parents (IVG, intervention).
Prises de décision, elles s’accompagnent d’une dimension pédagogique. Il y a divergence sur une annonce collective, collégiale. Une formation à l’annonce est souhaitée chez les néphropédiatres.
Cette recherche qui s’inscrit dans le dernier plan Maladies Rares a conduit à proposer une enquête quantitative, à caractériser l’impact des postures, à développer la réflexion.
La difficulté provient de cette zone d’incertitude : car la pathologie peut s’avérer bénigne comme très sévère pour la survie du fœtus. La décision à prendre se fait toujours avec l’accord des parents selon le contenu du message, le diagnostic exposé, l’espoir donné, le degré d’incertitude. L’incohérence du message, le flou, l’implicite engendrent des difficultés et le désaccord médical. Est-il très grave d’avoir un IR ou pas ? Le néphrologue doit voir l’enfant très vite. L’optique même du néphrologue, dès l’échographie, va susciter un coup de tonnerre dans le bonheur. Certains praticiens veulent laisser sa chance de voir le jour à l’enfant, même si c’est pour une vie très brève. L’annonce et ses effets sont variables suivant le néphrologue, l’équipe de diagnostic anténatal.
Certaines femmes évoquent des points de divergences, mais souvent les parents sont en phase. Il est difficile de rencontrer les couples, ce sont surtout les mères qui ont été consultées. Les pères donnent peu leur avis.
Devant la méconnaissance des parents sur la maladie le pédiatre et le néphrologue doivent les informer. L’information par internet n’est pas pour les rassurer : ceux-là viennent demander une IVG. Il faut annoncer ce qu’est l’IR ; le besoin de dialyse / greffe pour 5, 10 ou 15 ans (certains pensant que la greffe est définitive) ; il est important d’apporter une information complète, de dire que la greffe n’est pas une guérison, qu’une IRC c’est pour la vie. Le couple se trouve dans l’incertitude quant à l’interruption ou pas de la grossesse. Il faut donner du temps, en parler. On ne pratique jamais une IVG pour maladie rénale dans l’urgence. Il faut prendre le temps de la réflexion, de l’information, de la décision. Parfois l’avis des deux parents diverge. Certains parents désirent cet enfant et s’accrochent.
La dimension collective est souhaitable pour croiser les points de vue, les croyances, les pratiques.
*
Pr Michel TSIMARATOS, pédiatrie multidisciplinaire, Marseille-Timone. Dialyse chez le tout petit et l’enfant : qualité de vie et impacts sociaux [4].
L’IRC des enfants est une maladie rare. Elle va concerner le sujet vers ses 18 ans. Elle ne se voit pas. Les co-morbidités sont peu fréquentes. La courbe de croissance est un indice.
La courbe d’espérance de vie : la plupart deviennent des adultes. 100 % seront des IR adultes à un moment de leur trajectoire. Devenus adultes le délai d’accès à la greffe est long. Les mineurs bénéficient de la priorité d’accès au greffon-enfant. Un enfant en IRT sera greffé en moins d’un an en France (entre 7 / 12 mois). Il doit y avoir un suivi entre les services pédiatriques / adultes. Si la durée de vie du greffon est de quinze ans, ces jeunes patients subiront 2, 3 greffes au cours de leur vie, ponctuées de dialyse. Les thérapies rénales progressent entre temps :
1963 : 1ere dialyse péritonéale chez l’enfant
1969 : hémodialyse pédiatrique (Necker)
1973 : programme de greffes pédiatriques
1985 : organisation territoriale des transplantations
2005 : état des lieux
2016 : 1ere greffe ABO incompatible chez l’enfant greffé (après désensibilisation car le sujet déjà greffé fait des rejets pour tous donneurs).
Pour l’enfant IRC la contrainte est permanente sur son espace / temps : régime, médicaments, consultations. Sa qualité de vie est altérée. 20 à 50 % ajoutent à ces composantes physiques une souffrance morale. Au domicile, il est stressant de s’occuper d’un enfant malade, chacun doit trouver sa place, son rôle au sein de la famille. Le jeune noue souvent des liens étroits avec les équipes médicales qui parfois servent de substitut (cocooning) ; il leur sera difficile de quitter ce milieu protecteur, rassurant.
Par rapport à la DP (dialyse péritonéale) et HD (hémodialyse), la greffe offre une meilleure qualité de vie. L’adolescent greffé, rendu indépendant, ne doit pas oublier son suivi : dangers de cet âge qui ne supporte pas les limitations. Les facteurs socio-économiques, psycho-comportementaux, le rapport aux systèmes de soin sont importants dans le vécu du jeune et impactent aussi la famille. La douleur croît quand la qualité de vie diminue. Ce ne sont pas les malades les plus sévères qui se plaignent le plus d’une moindre qualité de vie. Des enquêtes transversales ont étudié l’enfant de 8 à 10 ans ; de 11 à 17 ans, sur le suivi médical, la qualité de vie des parents …
L’enjeu personnel et social est qu’ils s’agit d’adultes en devenir.
– 83 % des enfants transplantés en 1985 sont en vie vingt ans après.
– 77 % ont bénéficié d’un greffon parental
– les 3 / 4 travaillent
– 1 / 3 vit en couple (31,1 % sur 52,2 population générale)
– 35,7 % vivent chez leurs parents
– 15 % ont des enfants
– Ils ont le même greffon depuis 30 ans
– les filles souffrent de leur petite taille
Beaucoup d’enfants IRC ressentent une qualité de vie réduite : socio-familiale, professionnelle, accès aux études. De nombreux facteurs interviennent tels le sexe, l’âge de la greffe, la séparation des parents …
– Ex des cardiopathies congénitales : il y a 20 ans ces malades mouraient à la naissance. Aujourd’hui, ils deviennent adultes (en 2020, le nombre des cardiaques de naissance dépassera les coronariens). L’étude s’intéresse aux impacts familiaux et aux enjeux sociaux : soins à domicile, abandon du travail par la mère, souffrance élevée des parents au niveau éducatif, scolaire, crainte d’une prise en charge médicalisée plus importante de leur enfant. 40 % des familles connaissent une dégradation financière ; 30 % des parents ont connu un changement intérieur : amélioration des rapports intrafamiliaux, changement d’environnement, de cercles d’amis …
La maladie chronique bouleverse la cellule familiale : ces contraintes sont à prendre à compte pour un meilleur soutien scolaire, psycho-social, et pour optimiser la transition vers l’adulte pour lequel le soutien familial et médical doit être poursuivi. Il ne faut pas ajouter de la souffrance à la souffrance. L’assistance sociale doit s’intéresser à la vie sociale de ces familles.
– moyens : L’Association nationale des Aidants (parents, conjoints). Ils sont 8 millions en France dont 100 % sont déprimés ! Rien ne peut se faire sans les patients eux-mêmes et leurs associations dotées de compétences techniques, spécialisées. Leur action est efficace :
– dénoncer les aides financières inadaptées. Informer les autorités de santé
– sensibiliser les patients : la vie du jeune adulte greffé met souvent en péril son greffon. – stabiliser l’état des patients (éducation thérapeutique, information médicale)
– agir contre la facturation de la consultation diététique → les patients ne viennent plus …
*
Dr Anne-Laure SELLIER-LECLERC : Transition de l’enfance à l’âge adulte avec une greffe rénale.
Adolescence et observances ne vont pas ensemble. Ce n’est pas l’âge idéal pour le malade chronique. Ces réalités sont antinomiques.
La maladie chronique représente : L’Adolescence c’est :
– frein, blocages – audace, initiative
– passivité – activité
– soumission – révolte
– dépendance – désir de liberté
– limite – transgression
– contraintes – ardeur, dépassement
– régression – croissance
Provocateur, culpabilisant, inconscient, le jeune donne à ses parents et aux médecins un sentiment d’impuissance face à l’ado « même pas mal », l’auto-saboteur, le testeur, Peter Pan (l’enfant éternel), le totalement évitant (refus de tout)… Il faut anticiper et accompagner ce passage à partir de 8 ans. Il s’agit d’éviter les ruptures (scolaires, relation médecin / malade, sociales, affectives) et de construire les repères. L’âge de transition est variable.
Il faut créer des espaces / temps particuliers, hors de la consultation et de la greffe, pour mettre en place un développement progressif de l’autonomie. L’enfant grandissant doit venir seul à la consultation – sans pour autant squizzer les parents qui ont leur place et leur rôle à jouer dans cette alliance. Il faut veiller à harmoniser la relation et la dynamique familiales.
Il y a peu de greffes rénales en pédiatrie (80 à 120 par an = 3 % des greffes en France), et les résultats du traitement sont meilleurs. Entre 18 et 20 ans la greffe s’effectue soit en pédiatrie soit en hôpital adultes.
Il y a un enjeu de l’âge. L’adolescence est une période de moins bonne survie du greffon. L’âge 16-20 ans est difficile ; le pic de risques se situe à 22 ans. Les risques sont les mêmes pour les filles et les garçons, que le donneur soit vivant ou décédé. La transition est un challenge dans toutes les pathologies. Le 24 juin 2014, s’est tenue à Necker une journée sur le jeune adulte IRC. Les publications sur ce sujet augmentent.
Les jeunes, très couvés en pédiatrie, se disent mal préparés à l’hospitalisation adulte. Des études ont lieu en Europe, aux Etats-Unis (maisons pour les jeunes, conviviales, lieu d’échanges, de dialogue, salles de billard, de sport, rencontres décontractées, hors consultation avec diététiciennes, psychologues, spécialistes). A Lyon (Charlène Lévy) : équipes pluridisciplinaires pour le passage des adolescents du milieu pédiatrique à la néphrologie adulte (groupe de parole, ETP, 12-14 ans et groupe de transition 17-20 ans : 3 réunions dans l’année, visite des locaux, présentation du personnel soignant, rencontre d’adultes greffés, du néphrologue adulte, livre d’or à l’adresse des plus jeunes, synthèse).
*
Pr Denis MORIN : Filière ORKID [5](Orphan kidney diseases)
2004-2008 : 1er plan national Maladies Rares. Création de la filière entre les centres de références et de compétences consacrés à ces maladies afin de mailler le territoire. Mission.
2011-2014 : 2e plan. Améliorer la visibilité.
ORKID est une filière de santé, et non de soins, créée pour améliorer la coordination Parole / Espace : entre associations de patients (parité enfants / adultes), 4 centres de références, centres de compétences, laboratoires de recherche, Fondation Maladies Rares, sociétés savantes. Objectifs :
– rassembler les expertises humaines et techniques, nationales et internationales
– transition pédiatrie → adulte
– faciliter l’accès scolaire, professionnel
– harmoniser les pratiques, les protocoles
– éducation thérapeutique – patients experts
– création de relais sociaux, de réseaux de santé (3 existent en France dont RENIF, NEPHROPAR)
– simplifier les dossiers MTPH (Maison du handicap)
– aller vers les autres filières (diabète, neurologie, cardiologie, etc.)
– comprendre la physiopathologie
– accès au diagnostic moléculaire
– accès au conseil génétique
– imaginer des thérapies innovantes ciblées
– Base de données : mise à jour des listes de laboratoires, centres de recherches, de soins
– mise à jour des données (annuaires des centres, laboratoires, responsables)
– Développer la partie professionnelle du site internet (réunion d’expertises à porter nationale – développement de nouveaux outils (e-learning, aide au diagnostic – panorama de la recherche (liens)
– édition d’une plaquette d’information : faire connaître la filière aux médecins généralistes ; informer les familles et les patients
– Formation nombreuses en néphrologie
Programme : Néphropédies, Montpellier, octobre 2016 – Session Transiter, SFNDT Strasbourg, octobre 2016 – Journée annuelle de la Filière ORKID, Paris, janvier 2017.
*
Conclusion, par le Pr Rémi SALOMON
La prise en charge multidisciplinaire de l’IRC dans le parcours d’un sujet, de l’âge anté-natal, à l’enfant devenant adolescent puis adulte, passant par la néphrologie pédiatrique puis adulte, doit faire face à la complexité avec des moyens restreints. Les associations sont la pièce maîtresse de ce combat pour une meilleure prise en charge et pour les échanges entre pouvoirs publics / patients / familles / médecins.
[1] – Cf le film en vidéo du Colloque en ligne : <www.fondation-du-rein.org/journee-mondiale-du-rein/colloque-de-la-journee-mondiale-du-rein.htlm>[2] – Pour en savoir plus, <www.fondation-du-rein.org/comprendre-votre-maladie/le-syndrome-nephrotique.htlm> ; livrets téléchargeables, Pr. Patrick Niardet, Catherine Dolto : Le Syndrome néphrotique ; Dr Jacques Dantal : Le Syndrome néphrotique corticorésistant.
[3] – « Pratique d’annonce diagnostique de l’anomalie rénale en anténatal, projet ADARAN ».
[4] – Livret à télécharger : L’Enfant qui avait les reins malades : <www.fondation-du-rein.org/comprendre-votre-maladie/lenfant-qui-avait-les-reins-malades.htlm>
[5] – site : <www.filièreorkid.com>