Auteurs :
Arlene B Chapman, Frederic F Rahbari-Oskoui, William M Bennett
Rédacteur :
Ronald D Perrone
Rédacteur adjoint :
Alice M Sheridan

INTRODUCTION
La PKD conduit souvent à la faillite rénale progressive due, en partie, à l’accroissement continu du volume des kystes. Les autres manifestations rénales pouvant survenir sont l’hypertension artérielle, l’infection des voies urinaires, un défaut de concentration des urines, une hématurie, une lithiase rénale, des douleurs abdominales et latérales et, parfois, un carcinome des cellules rénales ; l’excrétion protéinique n’est pas en général un facteur prédominant.

HEMATURIE
L’hématurie, souvent nettement visible, survient au cours du développement de la maladie chez 35 à 50% des patients et peut constituer le symptôme avertisseur de la PKD. Un événement déclenchant, comme une infection des voies urinaires ou une activité physique trépidante, est souvent constaté et l’épisode d’hématurie peut alors se répéter. Une hématurie massive est associée à une progression plus rapide de la maladie rénale dans la PKD.

L’hématurie semble être due à la rupture d’un kyste dans le système collecteur. Bien qu’une hémorragie intra-kystique ne soit pas rare, la caractéristique de celle-ci est plus souvent une douleur qu’une hématurie étant donné que de nombreux kystes ne communiquent pas avec le système collecteur. L’hématurie due à une rupture kystique disparaît en général en deux à sept jours en observant un repos couché et en s’hydratant. En certaines occasions, l’hémorragie peut persister plusieurs semaines. En cas d’hématurie sévère et inhabituelle, l’embolisation artérielle percutanée, voire même une néphrectomie peuvent s’avérer nécessaires.

Une hématurie massive est plus probable chez les individus qui ont de gros reins (surtout de plus de 15 cm de longueur), présentent une hypertension et une concentration de créatinine plasmatique élevée. De fréquents épisodes d’hématurie massive avant l’âge de trente ans présagent un mauvais pronostic rénal ; cet élément indique probablement une accélération de l’expansion kystique.

La néphrolithiase, décrite ci-après, peut aussi causer une hématurie chez les patients atteints de PKD. Cette hématurie se résorbe en principe avec l’expulsion du calcul ou son ablation. Une hématurie prolongée ou récurrente, particulièrement chez un homme de plus de 50 ans, induit une possibilité d’un carcinome des cellules rénales sous-jacent, ou d’un problème sans rapport avec la PKD comme un cancer de la vessie ou une néphropathie à IgA.

DEFAUT DE CONCENTRATION
De nombreux patients atteints de PKD présentent un léger défaut de concentration des urines. Dans une série de 53 enfants d’un âge moyen de 12 ans, près de 60% présentaient une réponse anormale à la desmopressine. Dans une série de 177 patients adultes avec une fonction rénale normale, tous avaient une difficulté modérée à concentrer les urines après une nuit sans boire, élément qui s’aggravait avec l’âge en parallèle au déclin de la capacité de concentration des autres membres non atteints de la famille.
Le défaut de concentration peut ne pas être mis en évidence cliniquement, sauf s’il existe un historique de polydipsie ou de polyurie. La cause de ce défaut n’est pas connue, mais l’un des facteurs semble être un dysfonctionnement de l’architecture tubulaire, un défaut de la fonction principale des cellules, ou une maladie tubulo-intersticielle précoce. Une cause centrale a été exclue car les seuils de vasopressine sont élevés dans cette pathologie.

PROTEINURIE
La protéinurie n’est pas considérée comme un élément majeur de la PKD. Dans une étude sur 270 patients, par exemple, l’excrétion de protéines urinaires moyenne était de 260 mg/jour. Seuls 48 patients (18%) excrétaient plus de 300 mg de protéines par jour. Les patients à un stade plus avancé d’insuffisance rénale avaient une protéinurie plus conséquente (en moyenne 900 mg/jour). Globalement, la glomérulosclérose focale secondaire joue un rôle relativement mineur chez la plupart des patients dans la progression de la maladie vers l’IRCT.

Le syndrome néphrotique a rarement été constaté et reflète généralement une maladie glomérulaire surajoutée. Une revue a indiqué qu’une glomérulosclérose focale était assez fréquente, mais que pouvaient aussi exister une néphrose lipoïde, une néphropathie membraneuse, une néphropathie à IgA et une glomérulonéphrite membranoproliférative. Ce rapport ne donnait pas suffisamment d’informations pour distinguer la glomérulosclérose primaire de la glomérulosclérose secondaire, cette dernière étant toutefois extrêmement rare dans la PKD.

NEPHROLITHIASE
Environ 20% des patients atteints de PKD présentent des calculs rénaux. Contrairement à la prédominance d’oxalate de calcium dans les calculs idiopathiques, dans la PKD, plus de la moitié des calculs se compose d’acide urique, le reste étant principalement composé d’oxalate de calcium. Bien que les modifications mécaniques dues à la présence des kystes volumineux soient un facteur de lithiase, différentes anomalies prédisposant à la lithiase peuvent aussi être présentes, comme une faible sécrétion urinaire, un seuil peu élevé de citrate urinaire et, moins fréquemment, une hyperuricosurie et une hypercalciurie. Les facteurs responsables de l’hypocitraturie ne sont pas très bien compris.

La possible présence d’un calcul rénal doit être suspectée si le patient adulte se plaint d’une douleur latérale intense. Toutefois, l’établissement d’un diagnostic par ultrasonographie est plus difficile que chez les patients qui présentent des calculs idiopathiques à cause des gros kystes et de calcifications pouvant exister dans les parois des kystes. La plupart des calculs peut être détectée par pyélographie intraveineuse, mais la tomodensitométrie est plus sensible pour la détection de petits calculs radiolucents.

Le traitement des calculs obstructifs est plus difficile que chez les patients atteints de calculs idiopathiques. La cystoscopie peut être compliquée par l’infection d’un kyste, tandis que les gros kystes peuvent rendre la néphrostomie percutanée ou la lithotripsie extracorporelle par ondes de choc plus difficiles à mettre en œuvre.

En dépit de ces considérations, la lithotripsie extracorporelle par ondes de choc est utilisée avec succès chez les patients présentant des petits calculs (moins de 2 cm de diamètre) dans le pelvis rénal ou les calices rénaux. La fréquence des fragments résiduels est plus élevée chez les patients atteints de PKD que chez les autres patients présentant des calculs rénaux ; ceci est probablement dû au fait que l’on s’efforce chez ces patients de limiter le nombre d’ondes de choc.

DOULEURS ABDOMINALES ET LATERALES
Les douleurs abdominales et latérales sont un problème courant dans la PKD, associées à de gros reins et à un âge avancé. La douleur est souvent diffuse et persistante et l’on pense qu’elle est due à l’étirement de la capsule ou à une traction sur le pédicule rénal. Cependant, le siège de la douleur peut varier et les patients peuvent aussi avoir une douleur non liée au problème rénal. Dans une étude sur 171 patients atteints de PKD a qui l’on avait fait remplir un questionnaire, les douleurs suivantes ont été notées, dans l’ordre : douleurs dans le bas du dos; douleurs abdominales ; maux de tête ; douleurs dans la poitrine ; douleurs dans les jambes. L’intensité de la douleur était en général modérée (4 à 5 sur 10).

Une hépatomégalie polykystique massive, bien que peu fréquente, peut aussi être source de douleurs. En outre, une douleur aiguë suggère une complication surajoutée, comme une hémorragie intrakystique, une torsion ou une infection d’un kyste, ou un calcul obstructif.

La grande majorité des patients ne requiert aucun traitement spécifique autre que la prescription d’analgésiques non opioïdes (on peut y ajouter des anti-inflammatoires non stéroïdiens pendant une temps limité). Toutefois, certains présentent une douleur persistante suffisamment sévère pour diminuer la qualité de leur vie ou pour rendre indispensable la prise d’opiacées pour la contenir. Dans ce scénario, l’ultrasonographie peut s’avérer nécessaire pour voir si un gros kyste est présent dans la région douloureuse. Si c’est le cas, une intervention peut être envisagée.

CANCER DU REIN
Le carcinome des cellules rénales est une complication peu fréquente de la PKD. Il n’apparaît pas plus fréquemment qu’au sein de la population générale, mais présente un certain nombre de caractéristiques différentes :

– les patients ont souvent de la fièvre (32 contre 7% chez les patients non atteints de PKD et qui développent un carcinome des cellules rénales) ;
– les tumeurs sont plus souvent bilatérales (12 contre 1 à 5%), multicentriques (28 contre 6%) et de type sarcomatoïde (33 contre 1 à 5%). Ces observations suggèrent la présence de multiples foyers de prolifération cellulaire, bien que l’absence d’une augmentation de la prévalence suggère une possible altération du comportement biologique de cette tumeur lorsqu’elle se développe avec la PKD.

Le diagnostic d’un carcinome des cellules rénales est difficile à poser dans la PKD. Une hématurie, une masse latérale, un kyste complexe, des saignements à l’intérieur des kystes visibles à l’ultrasonographie, à la tomodensitométrie, ou à l’imagerie MR sont fréquents dans la PKD sans pour autant révéler une tumeur maligne. Certains indices cliniques peuvent être utiles. Par exemple, la présence d’une tumeur maligne sous-jacente peut être suspectée si le patient se plaint de symptômes systémiques (fièvre, anorexie, fatigue, perte de poids) hors de proportion avec la maladie rénale et non associée à une infection rénale démontrable ou à la croissance accélérée d’un kyste complexe. L’aspiration percutanée et l’examen cytologique peuvent être pratiqués sur les kystes suspects. En outre, la tomodensitométrie, qui permet d’obtenir des tranches minces des zones d’intérêt, ainsi que l’imagerie MR sans et avec gadolinium sont souvent en mesure de distinguer une tumeur maligne d’un kyste complexe. Si c’est le cas, il est important de mettre aussi en évidence des métastases des nodules lymphatiques locaux ou de la veine cave inférieure.

L’administration de gadolinium au cours de l’imagerie MR a été fortement liée à une maladie souvent grave appelée fibrose systémique néphrogénique chez les patients présentant une insuffisance rénale modérée à sévère, particulièrement chez les dialysés. En conséquence, il est recommandé si possible d’éviter l’emploi du gadolinium lors de l’imagerie chez les patients dont le DFG est estimé à moins de 30 mL/min. Il n’existe pas de consensus parmi les experts quant à la décision d’administrer du gadolinium chez les patients dont le DFG est compris entre 30 et 60 mL/min.

INDICATIONS DE NEPHRECTOMIE
Les kystes et la taille totale des reins augmentent progressivement dans le temps, même si la formation des kystes n’intervient que dans cinq à dix pour cent des néphrons. Les hommes de plus de 50 ans peuvent avoir des reins énormes pouvant atteindre 40 cm de longueur (trois fois leur volume normal) et 8 kg, cet état étant en général associé à une insuffisance rénale sévère. Dans ce scénario, certains patients présenteront des symptômes invalidants (y compris une importante fatigue et une anorexie due à la pression sur les organes intra-abdominaux) et pourront développer des hernies ventrales. Ces symptômes peuvent être levés par la néphrectomie, qui peut être exécutée par intervention chirurgicale ou, si possible, par laparoscopie.

La néphrectomie peut aussi être envisagée avant la transplantation rénale en présence d’une infection récurrente, d’un soupçon de tumeur maligne ou d’une extension du rein polykystique natif dans le site potentiel de l’intervention chirurgicale.

ANEMIE
Les cellules interstitielles adjacentes aux parois des kystes de type proximal (ceux qui ont une concentration de sodium semblable à celle du plasma) peuvent aussi produire de l’érythropoïétine. Cette réponse, qui peut aussi être tempérée par des zones focales d’ischémie, a entraîné en matière de PKD les observations suivantes :

– chez les patients en insuffisance rénale sévère, les seuils d’érythropoïétine plasmatique dans la PKD sont environ deux fois plus élevés que dans les autres maladies rénales. Bien qu’il ait été dit que cet élément était associé à une concentration moyenne d’hémoglobine et d’hématocrite légèrement plus élevée, les patients atteints de PKD participant à l’étude MDRD (modification du régime alimentaire dans les maladies rénales) ne présentaient pas de seuils plus élevés d’hémoglobine. Nombre de ces patients ont été traités par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, qui peuvent réduire l’érythrocytose ;
– l’élévation de la production d’érythropoïétine peut aussi survenir tôt dans l’évolution de la maladie, car environ 5% des hommes non azotémiques atteints de PKD présentent une élévation marquée de la concentration d’hémoglobine (plus de 18 g/dL).